L'avis de Linda
1453 : Bataille de Castillon, celle qui met fin à la guerre de Cent Ans ! « Ouf » a-t-on entendu ce jour-là dans le vignoble. Castillon est rebaptisée Castillon-la-Bataille. A Constantinople, la même année, on dira « Ce n’est pas vrai, encore ! », mais c’est une autre histoire.
1936 : Les Côtes de Castillon vendent leur vin sous l’appellation Bordeaux. Soit. Mais c’était sans connaître la fierté des Castillonais pour leurs beaux coteaux de vignes …
1955 : On reconnaît l’identité des magnifiques vallons des Côtes de Castillon qui peuvent donc s’identifier à côté de Bordeaux sur leurs étiquettes. « Ouf !» entendra-t-on à Castillon, une autre bataille de gagnée.
1963 : Stéphane Derenoncourt naît à Dunkerque, à 920 km du Castillonais.
1985 : Stéphane Derenoncourt, se rapproche. Il a quitté le Nord et pose son baluchon à Fronsac, autres beaux coteaux bordelais. Il est embauché comme ouvrier agricole chez Paul et Maryse Barre, les pionniers de la biodynamie en Bordelais.
1989 : Maryse Barre propose à Stéphane Derenoncourt le poste de maître de chai au Château Pavie-Macquin, Grand Cru de Saint-Emilion. Et keskissepasseratildonc ? Hein ? Et bien au classement de 1996, Pavie-Macquin deviendra Premier Grand Cru Classé de Saint-Emilion ! Et c’est grâce à qui, au Ch’ti ! Voilà ce qui arrive quand on laisse un type talentueux s’occuper des raisins ! C’est malin ! Mais nous galopons dans le temps. Revenons à 1989, année décidément féconde, puisqu’elle voit la création de l’appellation Côtes de Castillon ! « Victoire ! » entendra-t-on dans le vignoble Castillonais.
1996 : « Vous hésitez mais pourquoi ? »… Stéphane jette un œil aux boiseries, aux fauteuils de cuir, aux tableaux. Il ne connaît pas ce nouveau monde des châteaux forts ni cette nouvelle musique du vin. « Ici, tout est structuré et moi, j’ai toujours travaillé avec un bout de ficelle et un couteau. Et même si ça me tente, j’ai pas la dégaine pour bosser chez vous et j’ai pas envie de changer. J’ai une boucle d’oreille et les cheveux longs. » « Vous savez, dans la famille on est habitué ! » Le comte prend alors un bouquin dans la bibliothèque, il l’ouvre et le tend à Stéphane, « Regardez, c’est un de mes ancêtres ». Stéphane voit le portrait d’un homme avec des cheveux longs et des boucles d’oreille. « Alors oui, c’est d’accord. »*.
Entretien donc, et début d’une longue collaboration entre Stéphane Derenoncourt et Stephan de Neipperg, propriétaire (entre autres) de Canon la Gaffelière, La Mondotte, Clos de l’Oratoire à Saint-Emilion et du Château d’Aiguilhe en Côtes de Castillon (héhé, on s’approche…) A partir de cette année-là, les demandes de consultations vont affluer et Stéphane D. commencera à transmettre son bagage viticole dans le vignoble. Mais on s’emballe, on s’emballe… Revenons à 1996, année décidément féconde. Stéphane rencontre Christine. Christine rencontre Stéphane. Stéphane veut Christine et Christine veut Stéphane. Tout roule !
Et au fait, Chichri d’amour, kessedonctilpaskellèfaitlachrichrikejeteledonnenmille ??? Christine est une talentueuse œnologue qui s’épanouit et épanouit le vin à La Tour Figeac. Crac, crac et tac tac tac, tac, les deux décident de former une armée de jeunes et talentueux consultants, créent leur boîte et parcourent le monde.
1999 : On est deux, on est beaux, on est jeunes, on est amoureux, on est talentueux et on conseille les plus beaux domaines du monde, mais les bagages, on a envie de les poser et puis on aimerait bien avoir ses vignes à soi. Et on s’imagine dans une grande maison, le chien, les enfants et le poulailler… Et là, à Sainte-Colombe, sur de magnifiques coteaux, issus du même plateau calcaire de Saint-Emilion, on décide de poser ses valises et le Domaine de l’A est créé. Le Domaine de l’A , c’est leur jardin et peu à peu, leur domaine pilote où ils affinent toutes leurs techniques viticoles qu’ils vont ensuite conseiller auprès de leurs clients, comme la biodynamie notemment. Et tiens, kessekivasepasserkejeteledonneenmille ? Le Domaine de l’A devient l’une des références incontournables de la rive droite de Bordeaux ! Goûté récemment le 2004. Je peux vous dire qu’ils ne s’y sont pas trompés. Une grande leçon de grand vin ! Tout y était, la chair, l’élégance du fruit, un début de truffe, la persistance et la fraîcheur en finale. Et le 2009 ? Parlons-en du 2009.
2012 : 25 % des Côtes de Castillon sont en bio/biodynamie (moyenne nationale des vignes française en bio/biodynamie… 8,5 % ). Dingue !
2017 : Conseil d’ami, en passant. Si tu ne veux pas énerver un Castillonais en général (souviens toi de 1453), et un Stéphane ou une Christine Derenoncourt en particulier, ne dis pas, croyant bien dire, « Mmmm, c’est bon pour un Côtes de Castillon ». Il est possible que cette phrase déclenche une envie irrépressible d’un castillonais en général, et d’un Stéphane ou d’une Christine Derenoncourt en particulier, de l’extension de leur bras droit direct dans ton ventre. Pas sympa, je sais, mais après tout, tu ne dis pas à Mercedes Erra qu’elle est admirable pour une femme, ou encore mieux (ou pire), qu’elle est admirable pour une femme espagnole. Tu ne dis pas de Giacometti que c’est un admirable artiste pour un suisse. Pour rester dans le vin, tu ne dis pas du sublime sancerre de chez Riffault qu’il est bon pour un pinot noir pas bourguignon. Et bien tu ne dis pas du Domaine de l’A qu’il est bon pour Côtes de Castillon. Non, non. Tu goûtes le vin pour ce qu’il est et non ce qu’il est censé être ou représenter. Et là, tu t’aperçois que le vin est grand, absolument et que les Côtes de Castillon, oui, sont des terres à grands vins ! Enfin, je dis ça, je ne dis, rien. Après tout, tu fais ce que tu veux mon ami.
*(Extrait tiré du livre Wine on Tour, Derenoncourt, un homme, un groupe de Claire Brosse, Stéphane Derenoncourt et Christophe Gousssard. Editions La Fabrique de L’Epure, Paris 2015.).
** et *** Bientôt, un vrai glossaire. Promis, Juré, je m’y mets.